Chèvres interdites (1786)

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Guerre dans la montagne

En l’an 1786, M. d’Angosse, marquis de Loubie, a fait afficher à la porte de l’église Saint Paul d’Asson, « non pas des defences non pas de fixer le nombre des chevres que chaque habitant pourrait tenir mais de deffendre a tous absolument d’en tenir aucune, ce qui a jeté l’alarme parmi tous ».

Le 4 avril 1786, les habitants d’Asson, assemblés « au devant de la maison de lacouradette » délibérèrent « d’une commune voix aux fins de se pourvoir contre les interdiction édictées par M. le Marquis d’Angosse ».

Cette « défense » du marquis d’Angosse visait la protection des bois servant à la fabrication du charbon pour ses forges.

Les habitants eux, jugeaient que « le bois exploitable sur les montagnes était plus que suffisant tant sur les montagnes d’Asson que sur celles de Louvie, Béost et autres montagnes adjacentes » pour les forges du marquis ,comme pour leurs chèvres !

Ils rappellèrent dans leur requête le droit reconnu par le parlement de Navarre de garder deux chèvres dans les plaines et d’en nourrir davantage dans les vallées, mais en dehors des bois de chênes et de sapins.

Cet épisode est révélateur des conflits, parmi tant d’autres, qui opposaient les maîtres de forges aux habitants des communautés.


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La délibération des habitants d’Asson est transcrite ci-dessous. (Les sous-titres sont ajoutés en guise de commentaires pour structurer le texte). Orthographe et ponctuation conservées.


Contre les défenses affichées par M. le marquis de Loubie

Source. Archives privées de M. Édouard Lacoue, d’Arthez-d’Asson

    « L’an mil sept cents quatre vingt six et le quatorze avril par devant nous notr. royal et les temoins bas nommés se sont presentés

Les requérants, membres de la communauté d’Asson

    « jean claria, jean mourthé dit cadet, bernard bordeu, pierre houchou, laurens berducou, pierre labourdette, pierre arrecous, jean pelegry, jean pourtau, pierre monguilhete lanot, jean laclotte, pierre arrascles dit arrecot, pierre guilhem, jean arretgros, jean dourau bernard larrabe, pierre lacoue, jean cachen, simon cambot dit chourrit faisant pour son pere dont il se porte fort, jean bousquet fils faisant pour ses pere et mere desquels il se porte fort, raimond curet dit arramoune, jacques labartete, jean bachot, jean mire, bernard chartou, jean mantis fils faisant pour son pere dont il se porte fort, pierre arrascles debat, bernard couradet, bernard labarthe, jean lapine fils faisant pour son pere dont il se porte fort, simon labede faisant pour son ayeul dont il se porte fort, jean mila, barthelemy paillassa cadet, jean sarrot, bertrand langle cadet dit andreu, jean bouseau cadet, jean arribes, jean bouhot, jean hourna faisant pour son pere dont il se porte fort, jean dourau, jean Casebonne, jean moulou, jean langle,

De la nécessité qu’ils ont d’élever des chèvres

    tous lesquels ont dit qu’ils entretiennent et nourrissent des chevres ou sont dans le cas d’en nourrir a quoi ils ne sauroient parvenir sans le paturage necessaire a leur subsistance qu’elles trouvent sur les montagnes, herms* et communaux, la nourriture de ce betail est si necessaire a la societé et au comerce social tant pour sa production que pour le suif si indispensable pour la bonne chandelle que les habitants dont l’agriculture est si bornée ne sçauroit subsister s’ils sont privés de la nourriture et entretien de ce betail,

Des deux arrêts du parlement

    cependant sous pretexte que la cour du parlement a rendu deux arrets de reglement par le premier desquels, elle deffend aux proprietaires de laisser vaquer les chevres, dans les vignes, taillis, jardins et le long des chemeins publics a peine de cinquante livres, et que par le dernier, la nourriture et entretien de cette espece de betail est borné a deux seulement sur les plaines, d’en nourrir davantage dans les vallées pourvu neammoins qu’elles ne pacagent pas dans les terres ou il y aura des essences de chennes et de sapins

Des conséquences pour les requérants, et de l’abus de pouvoir de M d’Angosse

    Cette restriction est si nuisible aux propriétaires qu’ils doivent abandonner la nourriture de ces betes si elle doit subsister, Monsieur d’angosse marquis de Loubie propriétaire des forges, a neammoins pris a la lettre ces arrets de reglement et a fait afficher a la porte de l eglise St paul, non pas des defences non pas de fixer le nombre des chevres que chaque habitant pourrait tenir mais de deffendre a tous absolument d’en tenir aucune

Du pourvoi des requérants contre M. d’Angosse

    ce qui a jetté l’alarme parmi tous de maniere qu’il importe de prendre une deliberation par la quelle il sera nommé deux sindics aux fins de se pourvoir en toute cour, a la maitrise* ou au conseil* et par tout ou besoin sera pour jouir de la libererté naturelle acquise a tout habitant de nourrir le nombre de chevres qu’il jugera a propos et de les introduire sauf dans les jardins, taillis des particuliers et autres heritages appartenant auxd.* particuliers

D’autant que le pacage des chèvres ne nuit nullement à M. d’Angosse

    n’etant pas possible que l’intention du legislateur ait eté de prohiber l’introduction dans les montagnes et autres vacans pour priver les pauvres habitants d’un comerce qui ne leur est pas moins utile qu’a l’etat introduction qui n’avoit jamais eté defendue et dont le travail des forges pour les quelles le seigneur marquis exploite le charbon sur les montagnes n’avoit jamais reçu de prejudice le bois exploitable pour le charbon etant plus que sufisant tant dans les montagnes d’asson que dans celles de louvie, beost et autres montagnes adjacentes

Sur quoi, l’assemblée nomme les syndics

Sur quoi une deliberation a eté arreté d’une comune voix que l’assemblée nomme pour sindics lesd. claria,arretgros, et labartete, aux fins de se pourvoir contre les deffences faittes par mr le marquis d’angosse par tout ou besoin sera aux fins de continuer de jouir de la liberté de nourrir des chevres et de continuer de les introduire pour les faire subsister sur les montagnes et vacans accoutumés,

Elle défraiera lesdits syndics

    promettant de relever led. sindics francs, quittes et indemnes de leur mission suivant l’etat qu’ils fourniront des fraix et de leur vacations.

Fait à Asson, le 14 avril 1786, devant Jean de cassaigne, notaire royal

    fait a asson le au devant de la maison de lacouradette led. Jour et an que dessus

presents et temoins Laurent Péré cadet de coarraze, pierre turonnet de Capbis et moi jean de Cassaigne not. susd. Qui l’original de cette deliberation ai reçu et signé avec les deliberants qui ont scu et témoins, non les autres deliberants pour ne savoir a ce qu’ils ont declaré aprés interpellation,

signés sur l’original claria, arregros, labartette, ferrat, labourdette, arrascles, bousquau, pourtau, arrecous, bousquet, labede, larrabe, langle, dourau, chartou, moulou, couradet, monglhet, guilhem, laclotte, lapine, lacoue, bouhot, labarthe, pelegry, turonnet, péré, Cassaigne norroyal,

coulé* à Nay le 14 avril 1786. reçu quinze sols signé De nay s : cette grosse* est pour led sindics approuvant (desquels il se, dont) refaits a la premiere page (non pas) le raturé a la seconde page de cette grosse

Cassaigne notr royal

Les frais d’acte

    retention 3L 0s

    coule 15s

    grosse 1L 10s

    papier 5s

    total 5L 10s »

L’image mise en avant

L’ancienne église de Saint-Paul d’Asson fut d’abord une chapelle  crée par Paul d’Incamps en 1699. Jean-François César d’Incamps, fils de Paul, fit ériger en 1749, la chapelle de Saint-Paul en église, ce qui créa une nouvelle paroisse indépendante : Saint-Paul d’Asson.

Cette église, construite sur un plan de type roman, avec un clocher carré fut détruite en 1906 pour permettre la construction de l’église actuelle.

27 janvier 2008 par Édouard Lacoue. Mise à jour août 2022