Antoine d’Incamps (1533-1614)

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Antoine d’Incamps, portrait présumé

Antoine d’Incamps

serait le fils ainé de Gaillard de Molo de la maison d’Incamps d’Igon [1]. Il se marie en 1564 avec Agneta d’Espalungue. L’acte comporte des grattages concernant l’identité de ses parents… En 1569, il est enseigne du Capitaine d’Espalungue, son beau-père, pendant l’intrusion des troupes de Terride envoyées par le Roi de France pour éradiquer le protestantisme huguenot en Béarn. Il fait preuve de bravoure et de ruse. Les Capitaines d’Espalungue et Poqueron et, probablement d’Incamps, sont à Navarrenx durant le siège de Terride. D’Incamps est le neveu de Poqueron dont il sera l’héritier.
Un héritage important, car la Reine Jeanne sera très reconnaissante envers les capitaines ayant sauvé son royaume. Le 4 juillet 1576 il est nommé capitaine du Château de Lourdes.
La Régente Catherine et le Roi Henri lui écrivent qu’ils « sont pleins confiants de vos sens, suffisance, loyauté, prudhommie, expérience et bonne intelligence ». A ce moment Antoine dispose de moyens financiers importants : l’héritage de Poqueron et les revenus de ses campagnes militaires. Si le Roi est peu présent en Béarn, nul doute qu’ils échangent sur la situation militaire et la population.
Le Roi avec son intelligence, sa bravoure, ses connaissances politiques, stratégiques, et même techniques impressionne d’Incamps. En juillet 1584 le Roi avait demandé une démonstration de production de fer dans une forge de l’Ariège, à Pamiers [2].
En décembre de la même année il avait séjourné chez Michel de Montaigne, le philosophe à l’insatiable curiosité, de retour de voyage en Suisse, Allemagne et Italie qui témoignait de l’existence de machines étonnamment efficaces. Des observations précises des matériaux : fer, plomb, cuivre, airain. Philosophe et métallurgiste ! En Béarn, d’Incamps avec sa connaissance du terrain et des hommes est, à son niveau, un partenaire sûr.
Une vision commune entre le Roi et le Capitaine : l’avenir dépend des approvisionnements en armes et en outils. Le fer est la matière de l’avenir. Il faut du fer, beaucoup de fer. La facilité à court terme serait d’en acheter, mais le pays est en ruine. Le Roi a un principe en économie : importer des produits, non. Faire venir des opérateurs pour produire au pays, oui. Les deux personnages sont ambitieux, il faut choisir les meilleurs opérateurs.
Deux pays voisins possèdent le savoir-faire, l’Ariège et l’Euskadi (Biscaye, Guipúzcoa). La qualité des productions est voisine, en revanche les quantités sont supérieures pour l’Euskadi. Il y a une difficulté majeure. Exporter des opérateurs avec leur savoir-faire est considéré comme une trahison par les corporations et les autorités du pays d’origine et puni de la peine de mort. D’Incamps, connaissant bien les hommes et le terrain, profitera du chômage de « ferrarias » de Legazpi et Bergara (pénurie de bois) pour faire venir dans des conditions attractives les « ferrones ».
C’est un projet très ambitieux et très risqué mais le Roi réussit à convaincre son capitaine d’investir une somme importante, 14 000 livres [3]. Il donne comme consigne à la Régente de veiller à ce que rien n’entrave ce projet.
Un projet de cette ampleur rencontra une forte opposition de la part des jurats et des notables. Antoine n’avait aucun titre de propriété, il faisait appel au droit coutumier disant que ses ancêtres avaient eu une forge au Bordiu d’Asson… une première commission d’experts vient sur le terrain en juillet 1588 et ne constate aucune trace de forge.
Une deuxième commission vient un mois plus tard, après défrichage du terrain, et conclut, « il y a peut- être eu une forge… »
De plus les jurats demandent le paiement de droits d’exploitation. Antoine refuse, puis accepte moyennant des droits d’exclusivité sur la mine, l’eau et le bois. C’est-à-dire les forêts, de la vallée d’Ossau jusqu’à Saint Pé de Bigorre. C’était un énorme privilège qui sera renouvelé par Louis XIII en 1615. Ce privilège révolta les éleveurs et les agriculteurs, progressivement les héritiers d’Antoine payèrent des droits, mais le litige avec la commune de Louvie Soubiron, qui avait le plus grand domaine forestier, ne fut clos qu’au milieu du XXème siècle.
Article extrait de la brochure Henri IV le bâtisseur,
pp. 23-25,publiée sous la direction de Dominique Fournier, 2021.

 

Image mise en avant

Ce tableau est conservé au château de Gardères (Hautes-Pyrénées).
Voir l’histoire de sa redécouverte. (Article de Cyrille Marqué, Dépêche du Midi, du

15 mars 2023, Émile Pujolle

 

Articles connexes

Les seigneurs de Louvie

La forge d’Asson

Acte d’affièvement de la ferrarie d’Asson à Antoine d’Incamps (1588).

Les minières de Larreulet

Notes

  • [1] ADPA. E 1733 f° 137. Affièvement de terres par Gaillard et Antoine Molou, seigneurs d’Incamps, à Simon de Guilhem de Trucque.
  • [2] Communication de Isabelle Pébay-Clottes, adjointe au directeur du musée national et domaine du Château de Pau (Pyrénées-Atlantiques)
  • [3] Le «convertisseur de monnaie d’Ancien Régime » donne une équivalence d’environ un million d’euros (2022) pour 14 000 livres de 1588. Ces équivalences qui reposent sur la valeur en or des livres de l’époque, ne donnent qu’une idée approximative de la valeur actuelle des monnaies anciennes.

Mise à jour du 8 mars 2023.